mercredi 4 septembre 2013

Royan ou les choix de la Reconstruction



Eglise Notre-Dame de Royan, Louis Gillet architecte.
   

Palais des Congrès de Royan, Claude Ferret architecte.


 
Villa Hélianthe à Royan, Yves Sallier architecte.
 
 
Galeries du Front de Mer à Royan. Elles suivent la courbe du littoral.

 
Gien, le château épargné par les bombardements et les maisons reconstruites.

La France de 1945, dévastée mais libérée s'apprête à se reconstruire. Au Ministère de la Reconstruction, deux conceptions  de l'architecture et de l'urbanisme s'opposent sur le parti à adopter. Les uns, en accord avec la loi sur les dommages de guerre qui prévoit la reconstruction à l'identique des bien détruits, encouragent les français à retrouver leurs paysages d'avant-guerre. Les autres voudraient saisir l'occasion pour rebâtir les villes selon les principes de la modernité.

Aux tenants de la tradition qui avancent les projets dits à l'identique pour ressusciter Blois, Saint-Malo ou Gien, s'opposent les partisans du mouvement moderne voulant transformer Caen, Le Havre et Royan en villes de l'avenir. Et, en effet, tout dans les paysages urbains semble opposer les types de villes issues de ces positions. Ici les toits pentus et les briques de la tradition, là les façades fonctionnelles et les matériaux des temps nouveaux. Mais entre la reconstitution, la pierre de taille ou le béton, y-a-t-il eu vraiment choix et hésitation?

Royan, poche de repli des occupants a été presque entièrement rasée par les bombardements alliés de 1944. Ville-martyre au même titre que Gien, ces deux villes sont rapidement devenues emblématiques des choix de la Reconstruction. Il  fallait permettre à Gien de renouer le prestigieux passé des bourgs de bord de Loire où s'était épanouie la tradition classique et laisser Royan donner les preuves de la pertinence d'une architecture fonctionnelle. Ces villes semblaient cristalliser les éléments de la polémique (opposant traditionalistes et modernisateurs) qui englobaient  une conception générale de l'urbanisme, la mise au point du plan d'aménagement des villes, les formes et les matériaux.

A Royan, dès 1945, Claude Ferret déroula sans ambages ses convictions du style international, magnifiées dans le front de mer. Si dans cette ville, les constructeurs se réfèrent à une manière, ce n'est pas celle qui fit au XVIIIème siècle la gloire de Bordeaux et de sa région, mais bien celle de novateurs, tels Niemeyer ou Le Corbusier.

A Royan, on a cherché à inventer un langage architectural correspondant à l'époque. Les décombres amoncelés ici font accepter l'innovation formelle qui donnerait son sens à la ville. La cîté balnéaire de Charente Maritime comme la ville d'art des bords de la Loire seraient donc, parmi d'autres exemples, les archétypes des grandes orientations de l'urbanisme d'après-guerre. A Royan, dans l'axe du front de mer, une grande voie de circulation permet un accès aisé à la plage. A Gien, il s'agissait d'aménager le point névralgique que présentait le passage de la Loire et à Royan c'est le trajet des vacanciers qui requiert l'attention. Quant à la reconstruction de l'Eglise Notre-Dame de Royan, entièrement bombardée, elle se fait  en arrière de l'ancien emplacement, dans un terrain plus propice à sa construction.

La comparaison des deux  plans de reconstruction, à Royan et  à Gien, montre un même effort pour faciliter la circulation, pour élargir, pour rectifier les rues,  pour aérer et désenclaver les immeubles d'habitation et bâtiments publics. Dans les deux cas, l'intention est bien de mettre de l'ordre dans des ensembles urbains défiant l'ordonnancement classique : Royan, qui comme beaucoup de stations balnéaires avait poussé sans ordre au fur et à mesure de sa vogue ; et Gien où s'enchevêtraient des ruelles étroites et mal commodes.

On pourrait multiplier les preuves de la volonté modernisatrice des urbanistes ayant travaillé dans ces villes. Pourquoi les deux villes continuent-elles leur carrière de porte-drapeau de courants contradictoires ? L'emploi de matériaux dissemblables et d'un vocabulaire radicalement différent suffit-il à les opposer totalement ? Cette querelle porte en fait sur l'enjeu fondamental de  la  Reconstruction. Ni l'ensemble du corps professionnel du bâtiment, ni surtout les sinistrés n'étaient  prêts à accepter un total bouleversement de leurs villes. Un consensus s'établit sur la sauvegarde de l'ancien, comme patrimoine inaliénable. Le restaurer, c'est aussi effacer les meutrissures de la guerre. Ces conceptions ont uni, par-delà les divergences politiques et les situations sociales, la plupart des  hauts fonctionnaires du Ministère de l'Urbanisme, un grand nombre d'architectes et la majorité des français.
  

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